J’ai récemment eu l’occasion d’assister à la présentation d’un projet d’entreprise visant à proposer une clef USB pour « personnaliser » la relation client dans les Alpes. Tout en admettant que l’idée cherche à répondre à la problématique de nombreuses stations qui voient leurs clients partir sous d’autres cieux, la Haute-Savoie ayant, par exemple, perdu 4.5 millions de nuitées (1) entre 2001 et 2007 en passant de 39.1 millions à 34.6 en volume annuel. Alors, même si les conditions d’enneigement exceptionnelles ont fait remonter ces nuitées pendant la saison hivernale, il est évident que tous les acteurs doivent non seulement chercher à acquérir une nouvelle clientèle, mais aussi et surtout fidéliser celle qui fréquente déjà la région. La question est donc de savoir comment mettre en œuvre une stratégie de gestion de la relation client (GRC) et de customer relationship management (CRM). Doit-on matérialiser cela par un objet ? Une clef USB ? Une carte de crédit à l’image de ce qui se fait chez Holiski ne peut-elle pas jouer le même rôle sans pour autant créer une barrière chez le client qui devrait transporter dans ses poches un objet supplémentaire ? Le téléphone portable se comporte de plus en plus souvent comme une clef USB. Il est doté d’une mémoire non seulement pour stocker vos photos, mais aussi toutes sortes d’information. Il a de plus en plus souvent un câble USB qui vous permet de synchroniser vos contacts avec votre PC ou de transférer des fichiers. Il communique aussi avec bluetooth et/ou le WiFi autant dire avec presque tous les systèmes. Un cookie, un identifiant peuvent aussi tout aussi bien être le vecteur pour assurer personnalisation recherchée.
Je ne comprends donc pas pourquoi aller chercher une clef USB qui ne fait qu’accroître les coûts et créer une barrière entre le client et l’écosystème des stations.
Le véritable enjeu n’est pas la matérialisation d’un support, mais la recherche d’une meilleure fidélisation, d’une consommation accrue, d’une répétition des visites/achats. Sur le plan du CRM, une fois de plus la fragmentation des budgets et le refus impossibilité technique (pour être plus diplomatique) de mise en commun des données limitent considérablement l’ampleur des projets et donc leur pertinence, et par là le retour sur investissement potentiel. Dans le cas du projet qui était présenté, la rentabilité est recherchée uniquement sur l’aspect régie publicitaire, ce qui est un début, mais loin d’être optimisé en terme de retour. Le projet est cloisonné station par station alors que l’on sait que les skieurs, surtout les citadins visés par ce projet, aiment changer de lieux pour pratiquer leur sport favori. De plus, une fois l’effort entreprit de saisir les données des clients, autant exploiter la base de données au maximum pour mieux servir les consommateurs et apporter une vraie valeur ajoutée aux partenaires. C’est le modèle adopté par Mille Mercis qui mutualise le CRM entre plusieurs acteurs économiques. Pourquoi, l’industrie du tourisme ne saurait-elle pas s’inspirer de ces expériences pour créer une véritable approche CRM qui ne soit pas seulement un exercice promotionnel comme le fait très bien la Région Rhône-Alpes ou encore la Vallée d’Aoste, mais qui soit un véritable outil de vente mis à disposition des professionnels (ESF, Club de voile, Hôtels, restaurants, remontées mécaniques,…). Après abattu la barrière organisationnelle et géographique entre les acteurs, il restera alors à donner la possibilité aux Offices du Tourisme, lorsqu’ils se positionnent comme moteur de tels projets, de vendre et de sélectionner en toute liberté les produits qu’ils désirent mettre en marché grâce au CRM qui correspondrait à de la vente directe sans oublier les autres canaux qui resteront encore pour de nombreuses années les principaux pourvoyeurs de clients.
(1) Source Savoie Mont-Blanc Tourisme – Observatoire touristique départemental
Jean-Claude Morand - 11/02/09